MINI BANNIÈRES
2022
Exposition collective : IMAGE/TEXTE 6
Topographie de l’Art, Paris
2 bannières de petit format
une vidéo de Claudine Després montrant les étapes de ce travail
et des photographies de Fausto Pluchinotta de l’installation dans la ville de Genève en 1999
pour les 50 ans des Conventions de Genève
Extraits de textes du livre
BANNERS/ BANNIÈRES
Ces 2 textes peuvent être lus dans leur intégralité sur le site francoise-bridel.net
sous l’onglet PUBLICATIONS
BANNERS/ BANNIÈRES
Pour trouver le PDF, cliquer sur TEXTE bannersbannieres.pdf
Préface Christophe Girod, CICR
Le 12 aout 1999, date anniversaire des 50 ans des 4 Conventions de Genève.
En écho à l’Appel solennel, le CICR a demandé à l’artiste Françoise Bridel de concevoir cinquante bannières géantes sur le thème des Conventions de Genève.
Le fruit de ce travail est un montage de textes et de photos, conçu à la fois comme un reflet et une confrontation, illustrant l’idéal du droit international humanitaire face aux détresses engendrées par les conflits passés ou actuels.
Pendant trois mois ces cinquante grandes bannières ont été suspendues sur des murs de la ville de Genève en divers endroits stratégiques, afin de sensibiliser la population à l’horreur des guerres et au rôle international et humanitaire de leur ville.
La promotion des Conventions de Genève, remparts contre la barbarie et protectrices de la dignité humaine dans les conflits armés, ne peut souffrir aucun relâche, de même qu’aucun répit n’est tolérable dans leur respect par les belligérants.
Bannières Erica Deuber Ziegler
Placée sous le signe de la croix à sa naissance, pourvue du drapeau à croix rouge ou croissant rouge, le plus célèbre, le plus dramatiquement reconnaissable des drapeaux de la planète, la Croix-Rouge a bien mérité aujourd’hui cette métaphore : ses buts — de secours, de paix, de droits humains et de justice — sont plus que jamais difficiles à atteindre et il lui est aussi plus que jamais compliqué de pouvoir compter sur la présence à ses côtés de toutes les puissances qui commandent les événements du monde.
Pour le cinquantenaire des Conventions de Genève, Françoise Bridel a donc choisi d’installer cinquante bannières dans la ville. Elles sont grandes, plus que ne l’ont jamais été les bannières historiques. Leur format varie selon leur emplacement, entre 3 m et 16 m pour la hauteur, entre 1,8 m et 8 m pour la largeur.
Elles sont réalisées avec de la grosse toile blanche, imprimées de couleurs vives, représentant la vie et l’espoir, sans lesquels, comme l’artiste l’explique en exergue à son projet, rien n’est possible. Ces bannières sont placées sur des murs vides de la ville, dans des endroits en vue, inattendus parce que dus aux hasards de la présence de ces murs aveugles dans les constructions.
Elles sont placées dans tous les quartiers de Genève et dans l’agglomération urbaine. Elles pendent aux façades de bâtiments d’habitation, luxueux ou modestes, comme sur celles d’hôtels, de grands magasins, de salles de spectacle ou de musées prestigieux.
Fruit des préoccupations d’une peintre, d’une artiste, chacune des cinquante bannières est ainsi une œuvre d’art singulière. Françoise conçoit son travail comme un engagement social dans des actions qu’elle croit justes, mais elle reste autonome dans ses choix, libre d’orienter son travail en fonction d’une exigence esthétique qu’elle est seule à gouverner. L’artiste, dotée d’une étonnante diversité de moyens d’expression, ne se dérobe ni à l’univers des femmes — à ce qu’elles vivent et aiment, à leur goût pour les étoffes, les choses simples du quotidien, un petit bout de ville ou de paysage — ni à l’univers des peintres.
Voulant traiter sur chacune des bannières d’un thème essentiel des Conventions de Genève, Françoise Bridel en a établi une liste par images et par mots. Les images retenues : guerres, famines, catastrophes naturelles, prisonniers politiques, femmes, enfants, séparation des personnes, recherches, fichiers, retrouvailles, exodes, réfugiés, gestes humanitaires, délégués et déléguées, pays concernés, soldats, mines antipersonnel, blessés, morts, soins, alimentation, information, prévention, protection des monuments, destructions. Les mots retenus : ils sont constitués d’extraits des Conventions et des Protocoles, de mots dits en français et en langues étrangères, Ils recoupent trois séries sémantiques, soit :
La guerre — tuer, blesser, violer, prendre, voler, piller, exterminer, détruire, arracher, capturer, séparer, terroriser, endoctriner, manipuler, saccager…
Tout un chacun — renoncer, profiter, ne pas agir, oublier, accepter, fermer les yeux, manipuler, avoir peur, éviter…
L’idéal du CICR — vivre, survivre, donner, aider, réagir, sauver, essayer, reconstruire, écouter, résister, protéger, visiter, assister, rechercher, réunir, prévenir, formuler, organiser…
Chaque bannière comporte ainsi plusieurs images et textes extraits des sources utilisées et librement associés et assemblés. L’assemblage lui-même procède d’une recherche picturale, qui flirte du côté de la toile cinématographique, réalise des successions d’images, superpose des registres dans le plan de la toile, cadre et « décadre » les photographies, découpe, surimprime les textes, voile, cache, ombre, trame, introduit des pans de couleur pure, des morceaux de peinture, des fragments de photographies en couleur prises par l’artiste — ciel, montagne, pierres, sols, arbres, mer, grèves, bois sous la neige, bouts de ville, abrégé de la terre qu’on a —, toujours avec, à droite, sur toute la hauteur, la présence bigarrée de sortes de codes-barres multicolores, chaque fois légèrement différents, dans ses couleurs et ses dessins.
Les textes sont rationnels, faciles à lire, accompagnés de leur référence ; les photographies d’archives sont identifiées, localisées et datées ; pourtant, par la magie de la composition, par les rythmes et les mouvements des ruptures et des découpages, par l’émotion des couleurs, ces constructions somptueuses sont portées par une curieuse tension, une intense poésie qui déborde le champ de la représentation.
J’ai vu les bannières accrochées aux murs de la ville. Les voilà en situation, isolées les unes des autres, mesurées à l’architecture, offertes à la vue peu curieuse, peut-être indifférente, des passants, piétons et automobilistes.
Elles ne flottent pas entre ciel et terre à la manière des drapeaux, elles pendent lourdement. Leur essaimage, leur taille tout à coup ramenée à l’échelle de la ville, les rend plus fragiles, plus mystérieuses, plus discrètes. La pudeur du regard de l’artiste éclate au grand jour: il n’y a ni scènes d’atrocités, ni étalage de blessures spectaculaires. L’émotion aussi a changé. On ne voit plus la perfection du travail, mais la rencontre d’une artiste avec la ville : collisions de sens, parfois recherchées par l’artiste, parfois totalement imprévues, inopinées, changeantes, au gré des passages et des événements de la rue. Les bannières ont
été suspendues de préférence près du retour d’angle des façades nues, pour être mieux reliées aux
façades vivantes parallèles aux rues et aux places.
Le cinéma, la télévision, les magazines, la publicité, la bande dessinée, ces grands fournisseurs d’images publiques du monde contemporain, ne montrent pas moins de vitalité. Au milieu de cette abondance, les « Bannières » de Françoise Bridel apportent moins d’images nouvelles qu’elles ne soustraient des images auxquelles nous sommes trop habitués aux systèmes d’insertion des autres pratiques visuelles : contre l’accélération d’un certain cinéma, l’artiste freine et arrête les images ; contre le message univoque et péremptoire de la publicité, elle les met en relation pour faire naître de cette articulation une critique et
provoquer des questions.
Comité International de la Croix-Rouge, Éditions Zoé, Genève, 1999